Un Japonais en Bosnie
Avez-vous été le premier Japonais à travailler à la Mission en Bosnie-Herzégovine ?
Non, je n’ai pas été le premier. Un de mes concitoyens y travaillait déjà avant moi, dans l’un des bureaux extérieurs. Mais, à un moment donné, j’étais le seul Japonais de toute l’Organisation.
Pourquoi souhaitiez-vous travailler pour l’OSCE ?
J’avais une certaine expérience de la politique bosniaque et j’avais travaillé pendant quatre ans pour l’Ambassade du Japon à Sarajevo comme conseiller politique. J’ai étudié les relations internationales au Japon et, après cela, j’ai obtenu un master en analyse et règlement des conflits aux États-Unis. Lorsque l’OSCE a annoncé la vacance du poste de conseiller politique à la Mission en Bosnie-Herzégovine, j’ai trouvé qu’il correspondait à mon profil dans la mesure où il était axé à la fois sur la politique et sur la prévention des conflits en Bosnie.
La deuxième raison est que j’ai toujours voulu travailler dans un environnement international. J’ai pensé que cela serait plus dynamique qu’à l’ambassade ou vous travaillez avec vos propres concitoyens dans un environnement monoculturel.
Et vous n’avez-pas été déçu ?
Pas du tout. Cela a été une expérience dynamique dans un environnement difficile. J’ai commencé à travailler pour la Mission en 2012 en tant que conseiller politique du Représentant principal du Chef de Mission dans le Bureau extérieur de Sarajevo, représentant principal qui, soit-dit en passant, est aujourd’hui Chef adjoint de Mission. Durant ma deuxième année à la Mission, j’ai déménagé, avec le représentant principal, dans le bureau du Chef de Mission. J’y ai eu l’occasion de contribuer à l’élaboration des stratégies de la Mission et d’assurer la coordination avec les départements et les bureaux extérieurs concernés. Comme c’était une grande mission – elle avait un effectif de 360 personnes quand je suis parti – ma tâche était très difficile, mais j’ai beaucoup appris en matière de coordination et de gestion.
Je voyageais également beaucoup, car mon patron, le Représentant principal, chargé de suivre et d’évaluer la situation politique sur le terrain, était le plus haut représentant politique de la Mission. Nous nous sommes rendus dans tous les bureaux extérieurs (il y en avait 14 à l’époque). Nous avons voyagé à travers l’ensemble du pays et fait la connaissance de nombreuses personnes. Nous avons organisé des réunions avec des maires locaux et des militants locaux de la société civile. Ce fut une expérience d’apprentissage, pour mon patron, mais aussi pour moi. J’ai eu l’impression d’avoir plus appris au sujet des situations locales qu’au cours de mes quatre années à l’Ambassade.
Quel est le principal enseignement que vous retirez de cette expérience ?
Ce que j’ai vraiment apprécié, c’est le fait de travailler pour un patron russe et d’avoir également des collègues espagnols, italiens, anglais, irlandais, américains, suédois et, bien entendu, bosniaques. Je me suis familiarisé avec la culture de chacun de ces pays au travers de notre interaction quotidienne et de nos façons de travailler différentes. Ce type de connaissance culturelle peut vous donner un grand avantage pour comprendre vos interlocuteurs. Tout processus décisionnel est tributaire d’une communication personnelle. Bien sûr, chaque capitale émet ses instructions à l’intention de ses missions diplomatiques, mais ces instructions doivent être exécutées par le personnel de terrain. Si vous voulez obtenir le soutien de quelqu’un, lui faire changer d’avis ou l’influencer, vous devez connaître sa culture.
Pourquoi est-il important, à votre avis, pour le Japon de détacher du personnel auprès de l’OSCE ?
Le Japon est très intéressé à contribuer à la communauté internationale. Nous soutenons financièrement de nombreux projets. En Bosnie, par exemple, notre contribution s’est élevée à près de 500 millions de dollars des États-Unis au cours de ces 20 dernières années. Grâce à notre assistance, des ponts, des routes et des bâtiments ont été construits ou reconstruits. Nous avons également fourni une assistance pour le déminage. Mais notre projet le plus connu a peut-être été le don de nouveaux bus à des entreprises de transport public dans trois grandes villes de Bosnie, à savoir Sarajevo, Banja Luka et Mostar, dans l’intérêt de la réconciliation ethnique. Et ces bus sont encore en service aujourd’hui.
À mon avis, outre l’assistance financière, il importe également pour le Japon de montrer ce que nos citoyens peuvent apporter grâce à leur savoir-faire. Je suis convaincu que l’un des meilleurs moyens de fournir une assistance concrète, en particulier en Europe ou en Europe orientale, consiste à travailler à l’OSCE, car, contrairement à d’autres organisations internationales, elle y dispose d’importantes missions de terrain. Si vous êtes citoyen européen, vous pouvez acquérir ce genre d’expérience en travaillant pour l’Union européenne. Mais, malheureusement, en tant que citoyens japonais, nous ne pouvons normalement pas nous porter candidats à des postes à l’Union européenne. Étant partenaire asiatique de l’OSCE, le Japon a cependant la possibilité de détacher des experts pour occuper des fonctions au sein de l’Organisation. C’est la raison pour laquelle j’encourage toujours les citoyens japonais à présenter leur candidature. C’est un moyen pour eux d’acquérir une expérience sans pareil et pour le Japon de montrer sa contribution directe à la communauté.
Travailler pour l’OSCE vous donne une expérience multiculturelle que vous n’obtiendrez jamais dans une organisation nationale. Cela peut s’avérer des plus utiles plus tard dans votre vie, lorsque vous aurez à traiter de questions délicates avec des collègues ou des homologues d’origines culturelles différentes. Lorsque vous serez assis autour d’une table avec eux, il sera probablement trop tard pour commencer à vous familiariser avec la façon dont ils pensent ou travaillent. Ce sont des choses que vous devez déjà savoir si vous souhaitez que des travaux urgents soient menés à bien dans les délais voulus. L’OSCE m’a donné une grande chance d’apprendre ces choses. Maintenant que je fais partie officiellement du service diplomatique japonais, l’expérience que j’ai acquise à l’OSCE est très appréciée.
Pensez-vous que l’approche de la sécurité propre à l’OSCE, fondée sur le dialogue et la coopération, soit utile en tant que source d’inspiration ou modèle pour la situation en Asie ?
Malheureusement, quand vous mentionnez l’OSCE en Asie, bien souvent, les gens ne savent pas ce que c’est. À l’époque de la guerre froide, l’OSCE avait été créée dans le but d’éviter le scénario-catastrophe par des pays acceptant d’échanger entre eux des informations militaires. En principe, ce type de mécanisme – une organisation régionale oeuvrant en faveur de la transparence et de l’échange d’informations militaires – pourrait constituer un modèle utile pour l’Asie. Bien qu’il s’agisse d’une très bonne idée, il pourrait s’avérer difficile d’introduire un tel modèle en Asie dans un proche avenir. Mais, bien entendu, tout est possible avec la volonté politique nécessaire.
Détacher leurs ressortissants auprès de l’OSCE est l’un des moyens, pour les partenaires pour la coopération, de contribuer à l’action de l’Organisation. Le Japon dépêche des experts auprès des opérations de terrain de l’OSCE depuis 1999.
Discutons-en!
Votre avis
Vos commentaires sur les questions de la sécurité sont les bienvenus. Une sélection de commentaires sera publiée. Envoyez les à: oscemagazine@osce.org
Contributions
Les contributions écrites sur les aspects de la sécurité politico-militaire, économique et environnementale ou humaine sont bienvenus. Les textes peuvent être soumis à modification éditoriale. Contactez oscemagazine@osce.org